Le 8 décembre 1999, l'Erika appareillait de Dunkerque pour Millazo (Sicile). Il était alors munis du permis de navigation et d'un certificat autorisant le transport du fuel lourd. DONC le navire était en règle. DE PLUS le Commandant était au courant de la tempête qui sévissait à l'embouchure de la Manche MAIS il n'a pas ralenti afin réduire les efforts sur la coque. SELON le code maritime, il est seul maître à bord, c'etait ALORS à lui de prendre les bonnes décisions qui auraient évité la catastrophe !
Mais est-ce aussi simple ?
La mondialisation, responsable du drame ?
L'Erika, navire construit au Japon en 1975, a changé huit fois de propriétaire et trois fois de pavillon (Panama, Liberia, Malte) dans son existence.
Le Monde - 11/02/2007
Au moment de la catastrophe, en 1999, il appartenait à une société maltaise, Tevere Shipping, contrôlée par deux sociétés libériennes, dont les actions étaient détenues par un Italien basé à Londres, Giuseppe Savarese, bénéficiant de la garantie d'une banque britannique, la Bank of Scotland.
En battant pavillon maltais, un pavillon "de complaisance", le navire bénéficiait de facilités réglementaires, fiscales et sociales. Il avait été "classifié", c'est-à-dire autorisé à naviguer, par une société italienne, la Rina, une des plus importantes au monde.
Une révision du navire a été menée en 1998 sur un chantier du Monténégro puis une dernière en septembre et novembre 1999 en Italie, dans des conditions contestées. La gérance technique du navire a été assurée par quatre sociétés successives. La société italienne Panship, la dernière, a embauché un équipage et un capitaine indien.
Pour son dernier voyage, l'Erika a d'abord été affrété par une société des Bahamas, agissant par l'intermédiaire d'une société suisse. Il a ensuite été sous-affrété par une filiale de Total basée au Panama, représentée par une société britannique.
La cargaison a été vendue deux fois entre deux filiales de Total, dont une basée aux Bermudes, puis cédée finalement à un utilisateur final en Italie.
Le risque du procès de l'Erika, est de ne pas réussir à démêler cet écheveau capitaliste libéral et de ne pas condamner les vrais coupables. Malte, dont dépendait le pavillon de complaisance, est déjà épargné en raison d'une clause de droit international. Dès l'ouverture du procès, les sociétés Saverese armateur et Pollara gestionnaire ont soulevé des exceptions d’incompétence pour ce qui concerne le délit de mise en danger de la vie d’autrui, arguant que la loi pénale française ne pouvait pas s’appliquer en dehors du territoire français, alors que précisément le naufrage s’est produit en dehors des eaux territoriales.
Chaque partie est tentée de se réfugier derrière une loi ou un règlement propre à son pays - pays qui a été précisément choisi pour échapper à une réglementations trop contraignantes - ou à rejeter la faute sur une des multiples sociétés écrans qui permettent d'échapper à une fiscalité trop coûteuses et/ou organiser son insolvabilité.
La solution, le développement durable !
Les victimes de la marée noire évaluent le préjudice à plus de 1 000 000 000 EUR. Cela ne représente même pas 10% des bénéfices de Total en 2006 - 12 585 000 000 EUR. Rapporté aux nombres d'oiseaux tués - estimés à 300 000 - cela valorise l'oiseau mazouté à 33 EUR !
Total estime avoir déjà fait de gros efforts financiers en 1999 : 200 millions pour le pompage des épaves de l'Erika, la dépollution et le traitement des déchets générés par la marée noire PLUS une journée de salaire de Thierry Desmarest PDG de Total en 1999 versée à une association qui s'occupe d'environnement ! Rapporté au coût total du transport et de la cargaison cela ne représente en effet beaucoup. Sans compter les impacts sur l'image de l'entrprise : appel au boycott, détournement de slogan et de publicité...
Pourtant, Total avait mis en place volontairement et sans obligation légale, une procédure interne de vérification des navires : le vetting. Total considère donc avoir fait le maximum pour sécuriser le transport de pétrole. Qu'en est-il en réalité ? Espérons que le procès nous le dira...
Cette catastrophe est le parfait contre exemple du développement durable : des petites économies et des arrangements financiers à court terme entraînent une catastrophe écologique majeure dont les conséquences économiques sont estimées à 1 milliards d'euros et qui ternissent durablement l'image d'une entreprise à priori non coupable !
Mais pourtant, l'image de Total n'a pas été durablement ternie. L'action a résisté aux crises et l'appel au boycott n'a pas été suivi. Le groupe est même passé, entre 1995 et 2004, de la 13e à la 4e place mondiale. Et il est à la 4e place du classement 2006 de L'Express des entreprises « les plus attractives » pour les jeunes diplômés d'écoles d'ingénieur.
Le Figaro - 12/02/2007
Alors, est-ce vraiment un contre exemple ? Le développement durable est-il vraiment un concept d'avenir ?
Et en plus ça fait 30 ans que ça dure !
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